La lassitude dans le ton de l'autre lui fit tilt, mais Gun colmata son interrogation en se disant qu'il était logique qu'Oren soit plus réceptif, maintenant qu'il n'y avait plus la tension de la lame qui le menaçait.
— Ha hah, first you held ME captive, and now it's my turn...

Ses lèvres effleurèrent la ligne de sa mâchoire, y imprimant un sourire.
— I'm begining to think you have a  thing   for this ~

Au vu de la montée de chaleur dans les joues de son captif, le meurtrier - car c'était bien ce qu'il était, dans cette situation - pencha sa tête, fixant d'yeux pétillants de curiosité le visage s'illuminer d'un sourire, avant d'éclater de rire et aussitôt tenter de se refréner, tout bas, veillant à ce que ses esclaffées n'attirent pas les regards.

Il riait ? Il lui pointait un couteau à la gorge et lui, lui riait ? Lui-même se colla un immense sourire aux lèvres, imitant l'exemple d'Oren qui le réprimanda avec joie.

Gun, le ton chantant :
— Hah hah ! Il le félicita d'un autre baiser dans le cou, ronronnant.
I didn't hear you say nooo ~

Dans un coin de sa tête il réfléchissait à ce que l'autre lui avait dit, au sujet de l'importance qu'il pouvait avoir. Il le trouvait intéressant, bien différent de la prévisibilité de ce cadavre qui jonchait le sol de la ruelle, à quelques mètres de lui, ayant matière à développement - mais qu'est-ce qui le rendait, LUI, si spécial? Planifier trop loin dans le futur faisait ramper sa peau, mieux valait lui trouver une utilité immédiate.

Comble du bizarre, son prisonnier s'abandonna tellement à leur proximité qu'on entendit son manteau se frotter au sien lorsqu'il releva la main, venant lui caresser sa joue. Gun se frotta à la paume sans réserve, n'allant pas cracher sur l'opportunité d'un tel contact, allant même faire vibrer sa gorge sur un bourdonnement d’assentiment. Il le tuerait, oui, mais pas tout de suite. Pas maintenant...

— ...You're one kinky son of a bitch ♥
Il lui glissa dans l'oreille, remuant légèrement des épaules sur un rire inaudible.

Oren avait le pouvoir de guérir autrui, et l'idée de qui il guérirait pour lui fit enfin le chemin dans son esprit.

— Alright
Gun retira son bras du sternum de son prisonnier, tout en roulant son couteau entre ses doigts. Il retourna sa veste comme il retourna Oren et le poussa contre le mur, le soumettant à une clé articulaire en le tenant par le coude, puis il expira son air, se rapprocha et glissa son genou entre ses jambes - après avoir jeté un autre regard circulaire, épiant les épieurs.

— Try to get away again, and I'll sever the link between your legs and your spine. Savvy? ♥
Maintenant qu'il tenait son bras dans son dos, il put voir - ou plutôt, ressentir toute la chaleur qui se dégageait du sang de sa plaie.

— I need to make a call, so stay still for a while.

— Mm, il fit, mais sans radoucir la fermeté de sa poigne. Good boy ~.

Il changea son couteau de main (toujours coincé entre les doigts de celle qui lui retenait le coude) pour ensuite le rentrer dans sa poche, et troquer ce qu'il tenait pour son téléphone.

Il plissa les paupières à la lecture du nom du dernier message qu'on lui envoyait, et après avoir déverrouillé l'accueil - la lumière de l'appareil éclaira son visage, démarquant toute l'indifférence dans ses traits - Gun entreprit d'effacer les messages de ce-dernier numéro, un. à un. à un. Même la donnée marquant l'existence de ce contact. Il s'attaqua en dernier à l'archive de leurs appels et de leurs messages échangés - et il en délesta la moindre trace.

Ceci fait, il fit défiler ses contacts - chacun masqués par un pet-name, s'arrêta sur l'un d'eux et appuya du bout de l'ongle sur l'icone de téléphone, pour l'appeler.

Il le porta à son oreille, pianotant des doigts sur le coude d'Oren qu'il retenait encore.
— ...

« (indicatif sonore)
You have reached...—silence—but can't take your call right now. Please leave a message after the tone.
We're sorry. The voice mail is currently full.
Please try again later. »

...

Son sang se glaça à l'entente de l'indicatif sonore, mais toutes ses tensions s'allégèrent en constatant qu'il ne s'agissait que d'un appel manqué - et une boîte vocale remplie de surcroît, au lieu d'un numéro déconnecté.

Il baissa les yeux, un peu perplexe en remarquant que son cœur battait plus rapidement que prévu, et il plissa les paupières, fronçant légèrement les sourcils, se forçant au calme.

— Hmph, il souffla dans la nuque d'Oren, y reposant le menton, grommelant dans sa barbe. Il pianota de nouveau ses doigts, rappelant le même numéro, mais sans vraiment se faire d'espoirs.

— ... ...

- Arghh... The hell you're calling at this... houur ?

On l'entendit se remuer sur ses draps, se retournant pour lui-même essayer de répondre à son interrogation.

- Whatever...

Puis, un grincement alors qu'il retomba sur son lit.

— !
Son cœur reprit sa cavalcade simplement à l'entente d'une voix de l'autre côté. Il eut comme le réflexe de vouloir lui conter fleurette- mais se ravisa. Il y avait plus important.

— ....Right. There's a body at my feet and I'm holding the witness against a wall.

The reason I didn't kill him yet is that he hasn't outlived his usefulness ; some kind of miracle healer. Thought you'd like.

Need to cover my prints for the vic and dump him somewhere, but ETA would be around quarter past eight. Can you be there ?

- ....Right. There's a body at my feet and I'm holding the witness against a wall.

- Alright.

- The reason I didn't kill him yet is that he hasn't outlived his usefulness ; some kind of miracle healer.

- Haha... Really ?

- Thought you'd like.

- Yeah ?

- Need to cover my prints for the vic and dump him somewhere, but ETA would be around quarter past eight. Can you be there ?

- Door is always open, y'know it. Also comes with a place between the sheets ~ ♥

Until then-- arghh... whatever,-- let me (bâillement) let me fucking sleep.

Il y avait quelque chose de particulièrement satisfaisant à entendre l'autre non seulement lutter contre ses blessures, mais lutter contre ses blessures afin de lui répondre le plus convenablement possible. Presque par monosyllabes, mais c'était bien mieux que de se faire raccrocher au nez.

Gun avait prêté une attention particulière à son prisonnier à la seconde où ce dernier fut secoué d'un frisson, et il raccrocha, tournant son téléphone dans sa paume, le verrouillant, jetant un coup d'oeil à l'heure avant de le rentrer dans sa poche, radoucissant sa poigne sur Oren.

— It's a work day for you, right? Hand me your phone.

Il frotta le lobule de son nez à sa nuque.
— Unless you feel you can tell Gilles yourself you won't be there, but I don't really trust you can. ~

Un mouvement vers le bas capta le coin de son œil - c'était Oren qui farfouillait dans sa poche d'une main à la recherche de son portable. Il parvint à le sortir, puis le lui tendit par l'arrière. Ses doigts tremblotaient.

— ♫ ! Gun poussa un sifflement ravi, s'en saisissant sans attendre. Il arqua un sourcil quant aux propos de son prisonnier, le relâchant complètement contre le mur de briques.

— Psh ! Il fit en levant les yeux au ciel. This baby stab ?

Et maintenant que ses deux mains étaient libres, il claqua des doigts, inclinant sa tête, et se dévêtit de sa forme d'emprunt germanique pour miroiter à Oren une copie conforme de sa personne - sauf les vêtements bien sûr, sur lesquels il n'avait que très peu de libertés. Pour le coup ses vêtements parurent plus amples et larges faute de leur différence de taille, lui donnant la pensée saugrenue qu'il devrait prêter ses morceaux vestimentaires à Oren plus souvent - c'est que ça se trouvait à être confortable !

Et en baissant les yeux sur le téléphone, c'est sans surprise qu'il le découvrit sans le moindre verrou.

— Don't worry, you'll live. lui renvoya sa voix, ronronnant avec une familiarité un peu plus poussée qu'on avait l'habitude d'entendre de sa part. I need you alive anyway ~

Il trouva le contact qu'il cherchait, intitulé Gilles(Boss) dans la liste d'Oren, puis appuya sur l'icone de l'appel, le portant sur son oreille.

On décrocha presqu'immédiatement.
— Oren, mais t'es où donc?
— Hey, sorry, but I don't think I can get to work today...
— Qu'est-ce qui se passe? Es-tu correct?

Et le miroir jouait le jeu, un jeu qu'il avait bien du faire et refaire des centaines de fois.
— I think I caught something...
— Oh non...
Et il pouvait toujours compter sur la générosité de Gilles.
— Repose-toi, on se charge de tout ici. Rappelle moi quand t'iras mieux, ok? Pis si jamais t'as besoin de quelqu'un pour aller te chercher des médicaments à pharmacie tu peux toujours compter sur moi. Et--

— Thanks, boss.
— C'est correct.
Et il raccrocha, haussant haut ses sourcils et perdant son masque d'empathie pour retrouver un visage lisse d'indifférence.
— Welp, that takes care of that.

Un éclat reluit dans le regard du deuxième Oren, dont le visage était faiblement éclairé par le téléphone qu'il tenait en main. Il fit mine d'appuyer sur quelques boutons, faisant défiler les contacts afin de s'assurer qu'il n'avait jamais rencontré la victime, de près ou de loin.

Constat fait, il renvoya un regard en coin à son reflet, gouaillant:
— You're lucky I haven't stabbed you with the intent to kill ~

Il poussa un soupir de dépit, puis rangea le téléphone de son partenaire dans sa poche plutôt que de lui rendre. Par prévention.

— I'd be stuck with TWO corpses instead of one ! Sur le ton d'un ennui.

Il délaissa son comparse à se tenir contre son mur, pour plutôt se diriger vers la première victime. On le vit se pencher au-dessus de lui, puis s'accroupir devant, farfouillant des mains son manteau à la recherche de    ah, voilà.

Ses doigts se transformèrent à la seconde où ils touchèrent le téléphone, et il revêtit la forme de la victime pour éviter aux empreintes digitales d'Oren de l'incriminer.

Il se hissa debout - revêtant les formes d'un Travailleur Social à l'allure bonhomme et au sourcil broussailleux, baissant ses yeux sur le téléphone qu'il déverrouilla sans à-coups (reconnaissance faciale, rien de moins), puis se mit à siffloter tandis que des doigts il éteignait le réseau Icloud du téléphone, puis s'affairait à remonter les archives à la recherche du moindre contact entre lui et l'autre.

— And that's why Iiiii'm, on a permanent vacatiooon ♪
La voix de l'homme n'était pas aussi mélodieuse que celle qu'il avait l'habitude d'usurper, mais on pouvait presque reconnaître le fond.

— We're young, we're young, we're dumb and we don't care ~♫
Il jeta un regard par-dessus son épaule pendant le dernier délestage.

— Toujours vivant, Soldat ? ♥

— Crap--
Gun relâcha le téléphone dans la main tiède de la dépouille et retrouva son apparence d'emprunt, se précipitant vers son ticket de rédemption qui se laissait tomber au sol, vidé de ses forces.

— Don't fucking kid around ! Tonna sa voix, plus fort que les chuchotements auxquels il s'était contenté depuis le début. I've told you I needed you alive ! Il lui empoigna les épaules entre les mains et le secoua, mais pas de réponse, si ce n'est que son souffle qui s'affaiblissait. Au moins il respirait encore.

Gun poussa un autre soupir, et claqua sa langue sur un élan de frustration. Manquait plus qu'il meure, et ensuite, qu'est-ce qu'il dirait à Roy ? Désolé, j'ai joué trop fort avec ma solution miracle et elle est morte... Meilleure chance la prochaine fois ?

Mais une opportunité germa dans un coin de son esprit. Si Oren était inconscient, cela signifiait qu'il n'avait pas besoin de lui bander les yeux en allant au Marché Noir. D'un autre côté, il fallait le maintenir en vie.

Il sortit son téléphone, ramassa Oren par une épaule et le tira contre lui, et appela un taxi.

Avant toute chose, il avait besoin d'outils.

Gun retira son manteau bleu strié d'une bande blanche (revêtant heureusement une veste d'automne en dessous) et en recouvrit Oren, masquant le trou dans son dos et le sang qui s'en écoulait.

Des phares de voiture l'aveuglèrent un instant tandis que le chauffeur s'empressait de sortir, déblatérant une série de questions, et Gun l'accueillit d'un simple sourire. Ils se serrèrent la main, leur voix résonna sur quelques politesses, et le chauffeur l'invita à entrer dans le véhicule. Gun tira l'homme inconscient avec lui.

Ils avaient à faire.