Entre les détritus et les carcasses

Les sirènes lointaines, le vent qui souffle encore dans les branches des derniers arbres. Les odeurs écœurantes qui émanent de cet endroit étrange, les fumées âpres qui se dégagent en colonnes noirâtres des tas de compost immondes... rien de tout cela ne semble donner de bons signes. Mais au moins elle est loin du monde, des humanoïdes au moins. Bon, le lus difficile sera de rentrer à la ville où elle est "protégée" mais tant qu'elle a cette forme humaine, tout ira bien. Ou presque. Du moment que personne ne cherche à la regarder dans les yeux, tout ira bien.

Nastas se laisse balloter d'un coin à l'autre de la décharge, sous cette robe rouge presque pareille à celle que Gaagii lui avait fait quand elle vivait avec lui, malgré le froid environnant - c'est qu'elle ne parvient pas à se faire à cette période glaciale - essayant de faire abstraction des odeurs infectes qui l'environnent, et de trouver un seul coin qui ne soit pas soit écoeurant soit habité... pas facile.

Le vent l'emportera.

...
Il s'est encore perdu.

Progressant entre les allées sales et puantes de pollution, compost, et autres, Aleu regarde çà et là, s'agrippant le bras, shootant malgré-lui dans quelques détritus tombés de leurs tas nauséabonds. Ses grosses chaussures foulent le sol lentement, raclant contre le bitume, alors que sa grosse veste emprisonne son menton, que son cache-oreille lui donne un air encore plus ridicule qu'il ne l'est déjà, avec son corps maigre et long, ses cheveux blancs qui dégoulinent sur son visage comme une cascade d'eau immobile. Il regarde le sol, fait en sorte de respirer par la bouche, mais l'odeur infecte de la zone empli tout de même ses narines.
Il devait aller travailler, mais sans doutes qu'en s'était perdu de la sorte il ne sera pas garder, d'autant plus s'il arrive au travail en retard et puant la décharge. On va encore le traiter de clochard... Il en a marre, de ça. Qu'est-ce qu'il aimerait rester dans son lit tout le temps et ne voir personne. Non, il a fini depuis bien longtemps de se lamenter sur son sort et de souhaiter retourner dans le passé ; il ne souhaite désormais que la simplicité, ou au moins retrouver Renaud, ou Maugis. Il aurait vraiment besoin de l'un d'eux, biens que revoir ce traite ne l'enchante pas.

Dans une allée, quelque chose attire son attention. Une forme rouge qui semble aussi perdue que lui. Uh... Lui qui déteste s'adresser au monde, il s'avance tout de même vers cette- dame ? Hm, il ne sait pas et s'en moque bien.
Erhh- 'xcuse me... Une moue désolée se pose sur son visage dépité, il regarde de nouveau vers le sol. Not that I'm glad to talk to somebody but... May I... Ask for help ?

Sa voix est presque tremblante, il ne cache d'ailleurs pas son manque d'enthousiasme au sujet de devoir adresser la parole à quelqu'un.

Hochant la tête d'un côté et de l'autre pour avoir un meilleur angle de vue de ce qu'elle enjambe, la créature dans un corps de demoiselle poursuit sa route, fixée sur l'objectif clair et précis : marcher droit devant jusqu'à ce que ces ordures humaines infectes disparaissent de sa vue. Concentrée sur sa tâche - difficile pour un oiseau de se concentrer sur beaucoup de choses à la fois, même si c'est un très gros oiseau - elle ne prête aucune attention à la chose blanchâtre qui s'approche tout d'abord vers elle. Quand l'autre commence à parler, elle entend vaguement sans franchement écouter, jusqu'à ce qu'il hausse le ton pour demander qquelque chose. Nastas se redresse vivement, comme si on venait de la réveiller d'un profond sommeil, et agite les bras comme pour s'envoler.. mais elle se souvient alors qu'elle ne peut pas vu qu'elle a forme humaine.
Attends, il veut pas de mal hein ? Non, il a pas l'air. On dirait même que c'est lui qui a peur.... help c'est quoi déjà... Gaagii a employé le mot plusieurs fois, mais ça fait si longtemps.

_ Hhhhhhhhhhhh murmure-t-elle en répétant le mot dans sa tête pour mieux trouver ce que ce mot humain signifie.

Ah oui, Help. Ce help. Oui bien sur. En réponse, et avec un sourire qui ne peut que montrer sa joie d'avoir compris, elle entrelace les doigts de ses deux mains pour mimer les maillons d'une corde.

_ _ Hhhhhhhhhhhh !!!!!!!

Oui, elle veut bien aider.. Mais aider à quoi ?

Le vent l'emportera.

Oh, elle lui répond. S'il avait cru en Dieu, sans doute qu'il l'aurait remercié. La dame avait l'air plutôt paniquée, au début, mais son expression a changé du tout au tout en un quart de seconde, ce qui a eu bon de surprendre Aleu, de le faire reculer un peu. Au moins, elle lui "répond"... Par un son étrange ? Le blanc hausse un sourcil. Elle a l'air d'avoir compris ce qu'il lui a dit, au moins, c'est déjà ça. Un soupir, il frotte son épaule habillée de son gros manteau chaud. On est bien, là dessous, n'empêche...
Hmr... Il hésite un instant. Serait-ce vraiment nécessaire de lui demander ? Elle semble ne pas pouvoir parler. Aleu la détaille physiquement un insant de ses yeux fatigués. Oh, elle semble perdue, elle aussi, il n'y a qu'à voir l'allure nonchalante et franchement renfrognée qu'elle avait avant qu'il ne l'aborde. Hmr... I am... Kind of lost. Il décortique ses mots pour aider à la compréhension. And it looks like you're wrong too, am I wrong ? Il demande finalement.

Un peu instinctivement, il a commencé à faire des gestes avec ses bras et ses mains gantées pour expliquer la situation et ses mots à la demoiselle. Avec un peu de chance, ça pourrait l'aider, qui sait ?

Rah, et il va vraiment être en retarde au travail... Hmr...

Etrange, cette créature. Sitôt que l’amérindienne comprend ce qu’il lui dit, l’homme se recule comme si elle allait l’attaquer, le manger, qu’en sait-elle.. Mais il semblerait reprendre assez vite conscience qu’elle ne lui fera aucun mal. Surtout sous cette forme, à part le griffer avec ses petits ongles, elle ne pourrait pas faire grand-chose contre lui. Nastas penche un peu la tête d’un côté, puis de l’autre, pour le fixer correctement avec chacun de ses yeux, il ne semble pas hostile, peut-être dangereux mais pas volontairement. Alors elle peut approcher ? Oui sans doute. Un pas après l’autre, de sa cadence d’oiseau, elle réduit légèrement la distance qui les sépare, avant de s’arrêter à un intervalle de sécurité, non sans continuer à le scruter de son œil d’aigle. Il semble perdu, dans cet espace aux odeurs nauséabondes, il a un drôle de regard.
Et finalement, il accepte de reprendre, pour tenter d’expliquer ce qu’il veut. Lost. Elle comprend ce mot. You’re lost, c’est les premiers mots que lui avait dit Gaagii quand il l’avait recueillie. You’re lost, let me take care of you.. l’oiselle tente de comprendre le reste, il y a quelques mots qui lui échappent, parce que Gaagii lui parlait le plus souvent en navajo, mais elle comprend la forme. Cet être n’est pas à sa place ici, dans cet environnement. Formidable, c’est aussi son cas à elle. Ils n’ont qu’à chercher la sortie ensemble ! Tant qu’ils ne déboulent pas subitement sur une rue pleine de monde, ça lui ira. Nastas acquiesce, elle a compris le principal. Puis elle se met à jeter des regards aux alentours, pour trouver un moyen de savoir au moins où ils sont, à quelle distance du reste du monde, à quelle distance de l’état sauvage. Tout autour, des piles de détritus, des monticules d’objets, des piles de voitures carbonisées, écartelées, broyées..

Soudain, une idée lui vient. Convaincue que l’autre créature ne lui fera – en tout cas pour le moment – aucun mal, elle s’approche et tente de lui saisir le bras avant de le lâcher et de s’élancer sur les carcasses des véhicules pour les escalader. De là haut, elle y verrait probablement assez bien pour trouver un chemin jusqu’à la sortie ! s’aidant de ses bras puisqu’elle ne peut pas voler, elle finit, à grand peine, par arriver au bout. Ah, enfin, le vent qui lui caresse le visage, qui joue avec ses cheveux. Du vent pas aussi frais que si elle était à quelques battements d’ailes plus haut. Mais elle saura s’en contenter. Aussitôt, elle se met à
glapir en direction de l’être en bas. Elle a trouvé un chemin !

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Entre les détritus et les carcasses

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