En réalité, Nastas n’a jamais été aussi proche d’une pareille foule. A entendre toutes ces voix, à entendre tous ces pas franchissant les quelques mètres qui les séparent puis s’éloigner sans qu’on la voir, la thunderbird est terrifiée. Le souffle court, elle cherche une issue, un moyen de s’enfuir sans déclencher la panique chez ces êtres ni entamer une chasse au monstre inutile. Dans un autre sens, elle en a assez de fuir. Pourquoi fuir ? N’a-t-elle pas le droit d’avoir une vie normale ? N’a-t-elle pas mérité de vivre ? Alors qu’elle tente de se faire encore plus petite pour avoir le temps de réfléchir à une échappatoire, un de ces animaux bipèdes s’approche d’elle, et pire encore, l’aperçoit. Sa voix est douce et jolie, mais c’est pas pour autant que l’oiseau va la laisser l’approcher. D’ailleurs, Nastas tente de se faire aussi grosse que possible en hérissant ses plumes et en sifflant pour que l’autre reste où elle est. Mais la bipède n’écoute pas ses avertissements et vient plus près rapidement avant de s’arrêter tandis que l’oiseau tend une de ses serres pour l’intimer de rester en retrait. Mais la grande créature est bien trop faible et s’effondre au sol. Sans écouter, Nastas entend néanmoins ce que lui demande l’autre créature. Ce langage ne lui est pas inconnu, Gaagii l’employait souvent, au même titre que le navajo.
L’espace d’un instant, le monstre reste à haleter, cherchant un moyen de s’enfuir. « Vas-t-en, dégage, ne reste pas plantée là » hurle son regard doré. Non clairement, elle ne devrait pas rester là. D’un côté elle ne demande rien de plus que de trouver un moyen de quitter son apparence pour se fondre au maximum au milieu des humains. D’un autre, elle refuse de se mêler à la foule.

_ Shhhhhhhhhhhhhhhhhhh ! Souffle-t-elle avec rage à l'humaine.

Peu importe ce que fait la thunderbird, la bipède ne prête tout d’abord pas attention à elle, comme si ce n’était qu’un petit colibri. Au début un peu décontenancée, Nastas n’a ensuite pas le temps de se ressaisir qu’elle s’affale par terre. Au moins cela aura peut-être l’avantage de faire fuir la stupide créature qui lui fait face… mais non ! Au contraire, c’est comme si elle tentait de s’adresser à elle comme à un être humain. Avachie sur le dos, l’oiselle tente tout d’abord de se relever pour reprendre une posture dominante. Mais la bipède s’approche et l’intime de ne pas bouger. Comme elle ne sait pas quoi faire d’autre, Nastas arrête donc tout mouvement, ne s’autorisant qu’une brève inclinaison de la tête pour avoir un meilleur aperçu de la petite créature qui se tient devant elle. Son souffle est court, mais elle pourrait tenter de l’attraper avec ses serres immenses. La créature ne saurait y répliquer. D’un ton plus faible, la bipède lui raconte quelque chose, dont elle comprend vaguement une forme de similarité. Sa voix a quelque chose de doux, ce qui a pour don de calmer très légèrement la thunderbird.

Jusqu’à ce qu’elle ose s’approcher. Tout d’abord, l’oiselle géante étend ses serres énormes au-dessus d’elle pour contraindre l’autre à respecter une distance de sécurité, pour s’arrêter et observer ses réactions. La similarité d’accord, mais l va falloir y aller doucement pour l’approcher. Qui sait si elle ne va pas tenter de l’attraper, elle aussi ? Pourtant, il y a bien quelque chose qui suppose que Nastas devrait lui faire une certaine confiance. Au bout de quatre ou cinq tentatives, si elle y va tranquillement, la bipède pourrait peut-être arriver à ses fins. Bon sang mais quel est cet endroit ? c’est la première personne depuis des années, peut-être des siècles, qui ressemble un tant soit peu à feu son protecteur.