« She's a maniaaac ! Maaaniaac on - the - floor! »
— Mméééécaanique mééécanique ! On - de - flore !

Pas de chassé, pas de recul.
« And She's dan cing like she's ne ver dance be foooOORE ! »
— En chiz dans cygne lac she nez voeu danse bi flooore !

Pirouette, balancé. Il se freina sur un pied, se recula sur l'autre, ramenant ses mains vers lui et penchant le manche de sa serpillière pour pouvoir atteindre les coins profonds derrière le comptoir.

La journée de Noreen avait du être très mouvementée ! Les cages sur les présentoirs avaient été saccagés et il avait passé bien près de 30 minutes pour ramasser toutes les plumes éparpillées sur le plancher ! Veut bien croire que Noreen était une sorcière, et qu'elle était vieille, et qu'elle pratiquait le voodoo-chamanique-ésotérique et psychique, mais ce genre de pratique devait être carrément illégal ! Le pauvre, la pensée lui arracha un frisson de dégoût, et la brève image de se voir lui-même entassé dans une cage semblable. La musique chassa ses songes, et il se mit à chantonner, un sourire poussant ses pommettes sur une expression de bonheur simple. Si ce n'était de l'odeur puissante des agents de nettoyage qui lui donnait le tournis, il aurait bien été volontaire partout !

Et il aurait bien continué ce train de pensée désuet si ce n'était de la porte (sensée être verrouillée) qui s'ouvrit d'un seul battant, dans un fracas qui fit sursauter le concierge, faisant rebondir ses cheveux noués derrière lui dans le geste. Derrière le comptoir, au milieu de ses agents de nettoyage, serpillière en main, il se redressa légèrement quoique les épaules affalées vers l'avant, levant de son oreille un des écouteurs de son casque d'écoute pour pouvoir entendre les mots de l'étranger.

— « You work here?
— .... Ben - »
Pas exactement, il travaillait au compte de la Bad Stories, et c'était l'Agence qui l'envoyait nettoyer des endroits, et il n'avait pas le loisir de choisir où nettoyer ! Mais les congés et la paie soulageaient... sans parler de la paix d'esprit que ce genre de travail manuel lui prodiguait. Le distrayait de d'autres pensées.

— Moi, je fais juste nettoyer mec... commença Kaos en se grattant l'arrière de la tête plissant une paupière d'inconfort. Si tu veux acheter ça, vaudrait peut-être mieux attendre demain.

— « L’acheter? (Il pencha sa tête) qui a dit que je voulais l’acheter? »
La première réaction de Kaos fut de légèrement sourciller. C'était évident, non? Il venait d'entrer dans un magasin et avait mis la main sur un objet (un vieux grigris à breloques), et l'avait porté près de ses yeux... c'était pour l'acheter, non ? Ou alors...

Pour peu, la méfiance chez Kaos se leva d'un cran, et il lécha le dessus de ses lèvres dans un geste nerveux. " Apaise-toi... "

— « J’ai entendu dire que l’endroit appartenait à la compagnie Bad Stories…
Kaos fit mine de légèrement tourner la tête, et reculer les épaules, pour toiser d'un œil incertain l'énergumène près des étalages.
— « Okayy...?

L'énergumène se désintéressa de son grigris et le posa sur une étagère, tournant plutôt ses yeux hagards vers lui. Devant la soudaine attention, Kaos eut un mouvement de recul, agrippant plus fermement le manche de sa serpillière. Les pas de l'énergumène résonnèrent tandis qu'il s'avançait avec lenteur vers lui.

— C’est vrai? Tu travailles pour eux?
Le visage lisse de sérieux de l'autre fit d'autant plus froncer les sourcils de Kaos, qui pencha légèrement son dos en inclinant la tête, s'avançant avec prudence:
— ...Mec, tout le monde travaille pour eux?

L'esprit sauta tout de suite à une conclusion:
— « Donc tu travailles pour eux…
— Mec je viens de te dire que--
-- Tu vas pouvoir me dire ce que je veux savoir. »

Son ton louvoya vers la menace, comme son pas se fit plus lourd, faisant se redresser le dos de la Personne-animale qui ne le quittait plus des yeux, et sans ciller. Debout derrière le comptoir des achats, seule barrière le séparant de l'énergumène, Kaos baissa légèrement la tête, comme s'il se recroquevillait sur lui-même, faisant retomber les côtés de la capuche de sa veste en laine devant lui, un peu comme si ses vêtements l'enveloppaient - par protection.

Sa lèvre tiqua, et son nez se plissa, comme en avertissant l'Esprit qu'il était trop proche. Le manche de sa serpillière était suffisamment long pour l'atteindre d'où il était, mais Kaos priait intérieurement qu'il ne serait pas nécessaire d'en arriver là.
— « ... Je viens pas tout juste de répondre à ta question ? »

Les côtes ou le visage ? Non, Kaos viserait l'aorte. Il se voyait déjà étirer un pas vers l'avant, tourner le manche et lui donner une virulente poussée, en plein sur la veine coronaire de droite (Kaos était gaucher). Le coup sonnerait l'adversaire et il aurait tout le temps qu'il faudrait pour contacter les autorités (et sait-on jamais, un Phantom ou deux, pourquoi pas).

Les iris de ses yeux s'étaient mis à faiblement briller dans l'obscurité, comme s'il avait lui aussi un côté instinctif à cacher, répondant aux étincelles de folie qui irradiaient de l'énergumène devant.

— J’ai beaucoup de questions.
Apparament.

— ...
On entendit les manches de Kaos se froisser, resserrant la poigne de ses mains sur sa serpillière. Il ne manqua rien du regard de l'énergumène qui s'abaissa sur celle-ci, avant de se relever vers lui, comme pour lui témoigner qu'il comprenait qu'il pourrait s'en servir contre lui. Bien, au moins ils s'entendaient là-dessus.

— « Est-ce qu’il y a un système de sécurité dans le bâtiment? Tu connais ceux qui font le sale boulot, ceux qui tuent les Incarnations?

Si au début il s'admonestait à la politesse, cette-fois Kaos releva ses lèvres sur un rictus féroce, fusillant du regard l'énergumène. L'esprit vengeur parlait des Phantoms, mais Kaos ne devina pas le fond de sa pensée. Plutôt:

— « ... Tu veux parler des humains ? » On aurait dit qu'il venait de baisser sa garde, en reculant ainsi le manche de sa serpillière et en se redressant légèrement, sa tête penchée sur ce qui semblait être un sourire d'amertume.

Et si pour un humain un sourire était une forme de soumission, pour un loup il s'agissait plutôt d'ambivalence. Son ton changea, et il retira son autre main de ses poches, venant plutôt éteindre la radio qu'il avait sur le torse de son chandail, sous sa veste.

Sur sa radio, il avait l'option d'envoyer un 11-56 chez Noreen, et demander un 11-99. En d'autres mots, qu'un "individu dangereux" se trouvait sur les lieux chez Noreen, et qu'il "avait besoin d'aide immédiate".

Mais inutile de demander de l'aide pour s'attaquer à un collègue, pas vrai ?...