[TERMINÉ] Pour faire changement...

Concentré sur la musique et son partenaire, faisant dos à la salle, Gunthaer n'entendit pas la porte s'ouvrir derrière le bar, ni le pas un peu traînant du barman qui venait de se poster derrière le comptoir. La chanson tira à sa fin (All Star de Smash Mouth, circa 1999) et il échangea un sourire avec son comparse, avant qu'une voix ne brise leur moment d'intimité:

— « Je vous en prie, ne vous arrêtez pas pour moi! » fit un homme derrière le comptoir du bar, âgé dans la trentaine, courtaud sur les jambes, une barbe taillée en beigne tirée par un sourire goguenard. C'était Gilles. Gun ne mit pas longtemps à reconnaître la voix, tournant sa tête pour héler à l'importun.

— « Man where were you! You were supposed to be here an hour ago !
— Ne me fais pas croire que tu connais mon horaire mieux que moi, Jeager. »
Il s'affaira à nettoyer ses verres, avec un mouchoir élégant, brodé de dentelle.
— « Je rentre à 19 heures, et il est 19 heures. Le bar ouvre dans trente minutes tapantes. »

Son regard croisa celui d'Oren, sur la scène.

— « Mais visiblement, ça ne vous empêche pas de descendre quand même! » il fit sur un soupir, accoutumé des habitudes du musicien. Gun haussa ses épaules : ils ne dérangeaient personne à venir plus tôt. Et puis, il travaillait ici, lui aussi. Il avait le droit de s'en permettre autant.

Une voix les surprit soudain alors que leur chanson tirait à sa fin. Aussitôt, le charme fut rompu et l'asiatique rougit jusqu'aux oreilles avant de se tourner vers la source du son. Il avait l'impression d'être un enfant pris en faute et avait la folle envie d'aller s'excuser de tout son être. Il s'en tint pourtant à une attitude courtoise envers l'inconnu qui s'était installé derrière le bar.

- Toutes mes excuses, je n'avais pas l'intention de m'introduire sans permission.

Il inclina humblement la tête avant d'offrir un mince sourire au barman, ajoutant:

- Il m'a littéralement traîné en bas cela-dit.

Et de pointer Gun du pouce, tentant de se remettre à l'aise malgré les commentaires qui laissaient supposer que le guitariste avait de bien mauvaises habitudes. Incapable de supporter d'être ainsi mis en évidence, Oren descendit de la scène pour rejoindre le sol. Si de loin rien n'y paraissait, il tremblait légèrement. Il détestait être pris de la sorte.

Gun étouffa un gloussement lorsqu'Oren lui déversa la faute - avec raison. En le voyant descendre de la scène toutefois, son sourire grimaça de déception, tandis qu'il foudroyait des yeux le barman, qui releva ses mains, comme si une arme venait d'être pointée sur lui:

— « Mais--! Hey, je plaisantais ! Inutile de partir ! » Gunthaer plissa ses paupières, refroidissant soudain le barman, qui se sentait suer d'embarras. Il baissa les yeux, un désolé au bord des lèvres, avant d'être frappé par la réalisation.

— « Minute... Tu parles français ? » son expression redevint jeune, comme un enfant devant son premier jouet. Ce fut à Gun de pousser un soupir. Bon joueur, il clôt les paupières en retrouvant son sourire, se tournant sur l'ampli où il était installé pour concentrer son attention sur ses deux interlocuteurs.

— « Soldier, this is Gilles. He tends the bar here. Et en rouvrant les paupières, posant son coude sur la caisse de sa guitare, écrasant son menton dans sa paume.
— And Gilles, this is Oren.
— ... Alors, hem... Tu es soldat? »

Ne remarquant pas du tout le manège de regards entre le blond et le barman, Oren se concentra sur ce dernier. La situation dérapa cependant rapidement lorsque le barman réalisa que l'étranger dans l'établissement parlait français, contrairement à l'artiste, qui demeura sur scène. Gun lui présenta le barman, qui s’appelait Gilles et celui-ci prit le surnom que lui donnait Gun à la lettre, ce qui fit rire le jeune homme, qui n'avait aucune formation militaire que ce fut.

- Pas vraiment non, je n'ai aucune idée de pourquoi il m'appelle comme ça. En fait, je suis sans emploi en ce moment, d'où mon temps libre à des heures pareilles.

Il était vrai que la plupart des gens qui travaillaient de jour étaient à ce moment-là occupés par leurs fonctions et donc, il était logique que peu de gens veuillent s'attarder dans des endroits pareilles de jour. Sans malice ou réel embarras, Oren poursuivit:

- Alors au fait, quelles sont les heures d'ouverture que je puisse revenir dans les règles?

Il se retourna pour lancer un regard à Gun, un sourire légèrement réprobateur aux lèvres. Il ne l'oubliait pas, seulement, mieux valait faire bonne impression s'il voulait que les choses se passent pour le mieux pour eux deux. Il ne savait pas à quel point les règles étaient strictes ou pas, mais préférait ne pas prendre de chances.

Bien qu'il voyait les lèvres d'Oren remuer et qu'il entendait les mots qu'il disait, une chose chose importait Gilles : Oren parlait français. Subitement, il le coupa dans sa question en lui vomissant des syllabes sur un seul souffle:
— « T'AIMERAISBOSSER'CI???

Le jeune homme tourna la tête vers Gilles, qui lui parla d'une traite, une excitation dans la voix qu'il ne comprit absolument pas. Il resta face à l'homme une petite seconde à cligner des yeux, laissant les mots se frayer un chemin jusqu'à son esprit qui lui intima de répondre avec à peu près autant de zèle. Un autre coté de lui, cependant, demandait des précisions.

- Euh, je veux bien d'un emploi, mais qu'est-ce que je ferais exactement comme boulot?

Il réfléchit un peu à un autre détail et ajouta:

- Et puis pourquoi êtes-vous si surpris que je parle français? J'avais cru comprendre que c'était la langue parlée en ville il me semble.

Emporté par la passion de ses mots, Gilles avait aplatit ses deux mains sur le comptoir du bar, sans ne quitter des yeux Oren une seule seconde. Gunthaer, sur la scène, tentait de toutes les façons possibles de retenir se retenir de rire, allant même jusqu'à se prendre le ventre entre les bras. Oren, penaud par la question, mit quelques secondes avant de se remettre de sa stupeur:

— « Euh, je veux bien d'un emploi, mais qu'est-ce que je ferais exactement comme boulot? »
Ce fut à Gilles d'être frappé de stupeur.
— « Et puis pourquoi êtes-vous si surpris que je parle français? J'avais cru comprendre que c'était la langue parlée en ville il me semble.

Gilles frappa son comptoir:
— « Criss, tu m'niaises !
— « Gilles, language.
— D-désolé. »

Les ardeurs refroidies, le barman se redressa, rajustant son collet, légèrement embarrassé d'avoir perdu sa contenance - et d'avoir révélé les accents qu'il cachait derrière son veston.
(À mi voix:)
— « C'est comme la loi 101 au Québec... (Plus fort:) Les affiches sont toujours bilingues, mais personne ou presque l'est vraiment. »

Il eut un soupir, lourd, profond.
— Depuis un mois, on a vraiment besoin d'aide pour garder le Miroir debout (on a plus de nouvelles des gros bonnets). Quand je vois quelqu'un qui parle français j'peux pas m'empêcher de vouloir lui demander son aide.

L'éclat de voix de l'autre le fit sursauter. Non, il ne se foutait pas de sa gueule, il n'avait réellement pas soupçonné l'ampleur du problème. La demande du barman prenait tout son sens avec de telles explications. Il ne pouvait qu'accepter de bon cœur cette offre qui répondait à la fois à ses attentes et à ses goûts. Ce n'était pas au miroir qu'on le jugerait pour le luxe de ses vêtements ou pour ses traits étrangers.

- Alors dites-moi ce que je peux faire pour vous. Je serais ravi d'apporter mon aide au meilleur de mes compétences.

Il sourit à Gilles, y mettant toute sa bonne volonté, mais aussi sa politesse qui lui donnait un air presque chevaleresque.

Le sourire d'Oren sembla renouveler celui du barman, dont le sourire tira le coin de sa barbe.
— « Merci. »

Il hocha la tête avant d'enchaîner:
— « Avant toute chose, qu'est-ce que tu sais faire, exactement ? »

Son regard se porta inconsciemment vers Gunthaer, qui répondit sur un rire doux.
— « Well, for starters, he's one mean rockstar ! ♥ »

Le barman voulut alors s'informer de ses capacités et Gun le devança de son propre commentaire, auquel l'asiatique répondit aussitôt, changeant de langage à volonté, rigolant à moitié:

- Hey, I hope you don't mean it in a literal way.

Il reporta ensuite son attention vers Gilles pour lui répondre de lui-même.

- Je sais effectivement chanter, mais je peux apprendre à peu près n'importe quoi avec une facilité déconcertante. La preuve, il y a un mois encore je ne parlais pas français. J'ai appris par souci de respect pour les natifs de la ville et par curiosité personnelle...J'ignore si le reste de mes talents peut servir à quoi que ce soit ici, mais je sais cuisiner et mélanger les alcools aussi...

Son visage trahissait son effort pour trouver ce qui pourrait lui être utile et sur le coup, il ne trouvait rien de bien satisfaisant à son goût. Il était pourtant également en excellente forme physique et savait se débrouiller avec les gens. Il était poli et travaillant jusqu'au zèle ainsi qu'un bon confident. Il sous-estimait l'importance de ses capacités plus qu'il ne l'aurait cru.

Gun renchérit:
— Of course not, that would be demeaning! »

Les explications d'Oren firent chaud au coeur du barman, qui passa le revers de sa main sur son front, dans un signe de soulagement. Quand bien même il semblait que le jeune-homme tentait d'extraire le plus de substance de ses capacités afin de se prouver utile, Gilles ne le trouvait ni pompeux ni envahissant. Il leva sa main, comme pour arrêter l'autre dans ses explications, lui faire signe qu'il en avait entendu assez.

— « Puis-je voir tes cartes? J'ai besoin de savoir ton âge avant de prendre une décision. » Il fronça ses sourcils en broussaille.

— « La dernière fois que j'ai tenté de deviner l'âge de quelqu'un, je suis tombé de ma chaise... » En disant ces mots, son regard se tourna distraitement vers Gunthaer, qui n'eut de réponse qu'un sourire hermétique.

Stoppé dans son train de pensée, Oren écouta le barman parler, puis sortit ses cartes d'identité à la demande de celui-ci. Il avait l'air plus jeune qu'il ne l'était en réalité, mais il lui était encore facile de faire passer la chose comme normale au vu de sa santé physique. Il ne comprit pas l'allusion de l'homme, mais se contenta de sourire. Il ne savait toujours pas ce qu'il allait bien faire comme travail, mais bon, au moins les démarches étaient en cours et il allait avoir quelque chose à faire de ses nuits et soirées. Il serait mieux pour lui de garder ses activités sportives pour au grand jour au lieu d'aller se promener sur les toits à la manière d'un super-héros de comics.

Même debout, Gilles tomba de sa chaise:
— « V-vingt-sept ans !? »

Gun poussa un sifflement approbateur, d'où il était assit.
— « Why, Soldier! You're older than you look! ♥
— « Tu parles ! Bon... Puisque tu n'es pas mineur (il rendit à Oren sa carte) ça signifie que tu as le droit de partager ma place derrière le comptoir ! »

Il eut une bouffée d'enthousiasme, roulant ses mains en poings, un cri de victoire au bord des lèvres. Il se contint: on pu voir Gilles soupirer et retrouver son calme, ses joues toutefois toujours rosées et ses yeux éclairés par sa visible bonne humeur:

— « Entre temps (il se mit à sortir des verres de tailles et de styles différents, les posant sur le comptoir en ordre de taille, du plus petit au plus grand, au plus long et évasé.) je ne peux pas vraiment te donner la certitude que tu es engagé... j'ai besoin de parler au reste de l'équipe. »

Il rentra sa main dans la poche de son veston, sortant un stylo et un bloc-notes, qu'il tendit à Oren.
— « Mais écris moi tes coordonnées là-dessus. Tout d'un coup que les nouvelles soient bonnes!
— « Smooth ~ fit Gun, taquin. Gilles le dévisagea.
— Rajoutes-en pas! »

Son âge surprit grandement le barman qui n'en revint pas de l'âge réel du jeune homme qui se tenait près de lui. Il était vrai qu'il ne faisait pas son âge. Le pauvre commençait cependant à se rendre compte que le phénomène était peut-être dut à son statut d'incarnation. Gilles lui rendit sa carte qu'il empocha sans plus de façon. Apparemment, le boulot n'était pas pour tout de suite et il allait devoir laisser ses coordonnées, ce qui arracha un autre commentaire au blond. Oren rigola un peu, y mettant du siens, alimentant les blagues:

- Oh come on, no need to worry, you got my number first ~

Et de montrer un air taquin et faussement réprobateur. Les circonstances n'avaient rien eues à voir avec le fait que le blond avait obtenu son numéro, mais de pouvoir entrer dans le délire l'aidait à se sentir plus à sa place. Il écrivit donc ses coordonnées sur le papier, y notant son adresse, numéro de téléphone de maison et de portable ainsi qu'une adresse courriel au besoin. Son écriture était soignée et stylisée, de celles que l'on n'oublie pas.

- Voilà, j'ai bien hâte de connaître le verdict.

Toujours ce changement de langage à volonté.

Gilles enfourna le papier et le stylo dans sa poche, souriant à Oren de toutes ses dents, ses pommettes bien roses:
— « Tu peux compter sur moi ! »

Et son regard se tourna vers le musicien sur la scène, délaissé, qui jouait quelques notes au hasard, comme s'il s'ennuyait. Il l'interpella.
— « Tu joues ce soir, Gun ? »
Gun s'esquiva d'un sourire absent. Gilles crispa le sien, aigri.
— « ... Pourquoi je demande... »
— « ... lucky... »
— « Hein? »

Gun se prononça, toutefois sans regarder ses deux interlocuteurs.
— « If you're lucky, (son débit était lent) maybe I'll play tonight... »

Ses yeux s'étaient tournés vers Oren.
— « Wouldn't you like that? Sol~dier ♥ ? »

Son compagnon d'aventures ne semblait pas prendre son rôle d'artiste très au sérieux, ce qui surprit Oren. À sa place, il n'aurait jamais refusé d'aller sur scène à moins qu'il ne fut question de vie ou de mort. L'esquive de Gun sembla déplaire grandement au barman qui devait subir ce genre de refus plus souvent qu'à son tour. Le musicien tourna alors les yeux vers lui, lui demandant s'il aimerait qu'il joue ce soir. Le coeur de l'asiatique fit un bond. S'il n'y avait pas eut Gilles, il lui aurait sauté dessus pour répondre à sa question en le serrant contre lui. Il l'avait amené dans un endroit où le luxe régnait, où il risquait d'obtenir un emploi et où il pouvait l'observer tout à son loisir sur une scène, son regard d'azure et ses cheveux blonds sous les projecteurs, une guitare à la main? C'était trop beau pour être vrai.

Faisant preuve de retenue dans ses gestes, il ne put cependant pas empêcher son regard de pétiller et son sourire de s'étendre jusqu'à ses oreilles. Il ne s'entendait pas penser, son coeur battait trop fort à ses oreilles, mais il parvenait à aligner ses mots, sa voix restant contrôlée lorsqu'il lui répondit:

- I'd love that ~

Il espérait à la fois avoir le loisir de se rincer l’œil et faire plaisir au barman qui avait eut l'air si découragé par l'attitude du guitariste. Il était curieux de savoir quels airs il choisirait, curieux de voir l'ambiance réelle des lieux lorsque les portes étaient ouvertes au public. Il avait tout à gagner à rester là avec lui.

Il sembla que sa proposition ne tomba pas dans les oreilles d'un sourd, et la réaction d'Oren, ne transparut pas à des yeux aveugles: Gunthaer plissa ses paupières, savourant la retenue visible chez son comparse, qui avait les yeux soudain pétillants d'intérêt - et dont le sourire était fendu jusqu'aux oreilles. Il pencha la tête, comme pour l'observer d'un autre angle, de la même manière qu'on regarde une peinture aux couleurs chatoyantes.

— « I'd love that ~
Gun lui fit un sourire, comme il fermait les paupières et jouait quelques accords tout bas.
— And there's your answer. » Et il reprit sa chanson. Gilles leva les yeux au ciel. Il ne mit pas longtemps avant de comprendre comment fonctionnait le musicien. Aussi il croisa les bras et s'appuya sur sa hanche:

— « Si tu joues ce soir, va te préparer. La scène ouvre dans 17 minutes. »
Gun rata son accord.
— « Tu aurais peut-être du réfléchir avant de parler~! »

Ayant accepté de jouer face à la réaction d'Oren, Gun se vit obligé de se presser. La scène allait bientôt ouvrir et il devait se préparer d'après Gilles. L'asiatique se retint de rire de la réaction du guitariste, lui adressant un petit regard désolé avant de reporter son attention sur le barman.

- Au fait, est-ce qu'il y a un code vestimentaire particulier? Il me semble que le luxe des lieux ne se prête guère à un pareil accoutrement.

Fit-il en montrant ses vêtements bien ordinaires malgré leur style. Il pouvait bien rentrer chez lui se changer s'il fallait, inutile de faire honte à qui que ce fut.

Comme coupé dans son entrain, les épaules de Gun s'abaissèrent et il envoya lourdement sa tête vers l'arrière, ouvrant grande sa bouche sur un soupir exagéré.

— « *groaann* »
Gilles l'ignora complètement. Son intention était tournée vers le plus volontaire des deux, qui eut un petit sourire désolé à son comparse avant de poser au barman une question. Celui-ci secoua sa tête par la négative, avant de se prononcer:

— « Tu n'as rien à craindre, Oren. Seuls les employés doivent s'habillement proprement. (Un regard vers Gun sur la scène) Les employés, et les artistes ~
— * GROOAAANNNN * »

Gilles éclata de rire, posant son coude sur le comptoir. Gun se traîna les pieds en bas de l'ampli, délaissant la guitare. Avant de disparaître derrière la scène et se diriger vers les coulisses, il eut assez de présence d'esprit pour interpeller son invité:

— Guess we'll see each other during the show, then... » il fit avec lassitude. C'était un employé et un artiste de surcroît, le bar ouvrait dans un peu moins de 15 minutes, et il avait un spectacle à préparer. Gilles ne s'était pas trompé en lui disant qu'il aurait du penser avant de parler. Lui et sa grande gueule...

Rassuré par la réponse du barman, Oren tourna les yeux vers l'artiste qui disparût bientôt de son champs de vision, lui disant au revoir avec autant d'entrain que s'il toute son énergie avait été sapée par la perspective de devoir se préparer à son spectacle. Ne restaient plus que lui et Gilles et il avait quinze minutes à tuer. Il ne savait pas trop quoi faire en attendant et ne voulait pas non plus importuner le barman, qui avait très certainement à faire aussi avant que le bar n'ouvre officiellement.
Il avait pourtant quelques questions à poser à l'homme concernant son potentiel emploi et il se résolut à profiter du peu de temps qu'il avait pour les poser sans remords. Il se tourna vers Gilles, plus sérieux qu'auparavant.

- À propos de l'emploi, est-ce qu'il y a autre chose que je devrais savoir au cas où je serais pris? Le type de tâches à accomplir par exemple?

La scène était vide, les tables aussi, et n'y avait plus au sous-sol que deux êtres, près du comptoir du bar - un derrière, et l'autre devant. Gilles avait terminé ses préparatifs (il avait fait l'inventaire plus tôt, et venait de terminer de disposer des verres d'un bout à l'autre du comptoir) et put tourner le dos à son interlocuteur, le temps de laver vigoureusement ses mains en dessous de l'eau.

Oren lui posa une nouvelle question, qui fit hausser ses sourcils au barman, qui cherchait ses mots:

— « Voyons voir... En gros, les nouveaux employés (d'âge légal) m'assistent comme Bar-backs : m'aident à traiter les clients quand je suis débordé, approvisionnent le frigo quand il est vide, sont chargés de nettoyer les verres et les tables à la fin du service...

Ces derniers mots le firent sourciller.
— « Bon, on se le cache pas, Sweetdreams c'est pas Québec: ici, on vit avec des créatures et des monstres et n'importe qui peut venir demander à boire. Et c'est correct. »

Il se gratta la nuque, regardant ailleurs - vers un souvenir, qui sait.

— « ... Mais c'est pas tout le monde dans la ville qui pense de même. Ça crée de la discorde.
La discorde ça crée des disputes,
et les disputes, ça crée de la bagarre... »
Il poussa un soupir, avant de relever les yeux.

— « On dit que ce qu'on fait, c'est servir les clients, mais ce qu'on fait réellement, c'est les contrôler... »

Le barman semblait avoir fini ses préparations puisqu'il prit le temps de répondre à sa question sans se presser, lui expliquant les implications de l'emploi par rapport à la clientèle et à ses tâches particulière. Il ne serait en gros qu'une aide supplémentaire pour le pauvre homme qui devait en voir de toutes les couleurs dans cette ville de fous. Il se voyait mal «contrôler» des incarnations, surtout que certaines d'entre elles pouvaient être vraiment dangereuses. Le jeune homme comprenait mieux à présent les réticences possible des gens à vouloir travailler là. Il avait certes une bonne forme physique et une certaine connaissance des arts martiaux, il ne tenait pas particulièrement à se servir de ceux-ci contre des incarnations.

Pour se rassurer, il tenta de se convaincre que le plus qu'il aurait à faire serait de persuader les individus d'amener leurs bagarres ailleurs qu'au bar et de régler leurs problèmes entre eux et non devant quantités de gens qui n'auraient rien à faire dans leurs histoires. Il ne savait pas réellement à quoi s'attendre, mais ne laisserait pas la nervosité l'envahir. Ses questions cependant ne semblaient pas vouloir se tarir de sitôt.

- Et on fait comment pour les «contrôler»?

Il lui serait plus facile de demander, tout simplement au lieu de se faire maints scénarios.

La question fit perdre au barman toute sa bonhomie. Ses gros sourcils broussailleux se froncèrent sur une expression féroce, n'ayant non plus les traits d'un gentil matou, mais ceux d'un panthère.

— « HEY »
Tonna sa voix, brisant le silence d'un timide écho ensuite. Il regardait Oren sans ciller.

— « Si tu tiens vraiment à régler tes comptes, fais-le dehors. »

Et en plissant les paupières, l'éclat dans ses yeux pétillèrent comme du feu.
— « Ne me force pas à quitter le comptoir. »

Et il affronta son regard du sien quelques secondes encore, avant de fermer ses paupières et pousser un soupir, afin d'alléger les tensions dans ses bras et ses jambes. Il rouvrit les paupières, ses traits s'adoucissant, sa présence s'effaçant légèrement.

— « Les trois choses les plus importantes à se rappeler sont: 1, attirer leur attention. 2, dire ce qui va pas. 3, avoir de l'assurance-- » - et il enjamba le comptoir, faisant tomber quatre verres au passage qui tintèrent, se retrouvant pile devant Oren, lui attrapant l'épaule. « --et 4, agir. Trois choses importantes, et une quatrième qui peut te sauver la vie. »

Après quoi, il contourna Oren pour contourner le comptoir, et constata vite les dommages de sa démonstration.

— « --Ah!! Ma présentation ! » Et il retrouva tout ses traits de matou, penché au dessus du comptoir, à relever ses verres avec la plus infime délicatesse qui soit, saisi d'affolement à l'idée que des clients n'entrent pendant qu'il n'était pas prêt à les accueillir.

À sa question, le visage du barman changea du tout au tout. En un instant, il n'avait plus rien de l'aimable gaillard qu'il avait de prime abord rencontré. La peur au ventre, le cœur de l'asiatique s'emballa. Des perles de sueur apparurent sur son front et ses membres se mirent à trembler. Il recula d'un pas brusque, prêt à fondre vers la sortie, incapable de penser. L'homme retrouva un semblant de calme pour lui expliquer les choses, mais le jeune homme ne pouvait que voir ses lèvres bouger. Quand il passa de l'autre coté du comptoir, le jeune homme sentit son cœur rater un battement et il se figea, les yeux écarquillés.

Il fut pourtant rapidement délaissé par le barman qui s'attrista des dégâts qu'il avait causé. Toujours tremblant, Oren parvint cependant à calmer les battements de son cœur, jetant un regard vers l'entrée du sous-sol. Personne ne semblait encore là, mais l'heure approchait. Le pauvre homme ne se sentait pas capable de parler pour l'instant et devait combattre la nausée qui menaçait.

Bon, il avait été un peu soucieux de sa présentation plus que de l'état complètement paralysé de leur invité, certes, mais avec raison ! Dans le métier, la présence et l'apparence comptait pour tout ! Si les clients pouvaient arriver habillés chics ou en civil, lui n'avait pas le choix de soigner ses manières et d'agir en conséquence des autres. Et la présentation du comptoir était aussi importante que la sienne.

Il releva les dernières verres-à-coups, prenant soin de les disposer un à côté de l'autre avec minutie, et se releva, se recula d'un pas pour admirer son oeuvre, ronflant des narines et bombant légèrement le torse en hochant la tête devant son travail. Sa tête cessa son mouvement lorsque ses yeux se levèrent vers la panique qu'il lut dans le regard d'Oren. Aussitôt, ses sourcils en broussaille s'arquèrent d'inquiétude, et sa voix vibra, plus douce, sur un ton bienveillant.
— « Désolé, je ne voulais pas te faire peur, juste une démonstration... Tu devrais peut-être aller prendre l'air? »

Il eut un petit sourire de compassion.
— « Tu es un peu pâle... »

Sujet: Re: [TERMINÉ] Pour faire changement...

» 25 avril 2015 - Event et Changement de Saison !
» Il y a d'autres façons de faire du rentre dedans
» Quand j'ai rien à faire je dessine des personnages de Badstories.
» Une vérité pour une supposition
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[TERMINÉ] Pour faire changement...

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